"En Marche" ou la politique en franchise !

Billet d'humeur de Alain Longérinas - 21 septembre 2017 

Trois cent neuf députés "En Marche" ont investi l’Assemblée Nationale depuis quelques temps et les commentaires les concernant convergent jour après jour: aux abonnés absents dès qu’il s’agit d’alimenter des débats dignes de ce nom, applaudissant à tout bout de champ dès qu’un membre du gouvernement vient s’adresser à eux, faisant ressembler l’Hémicycle au stade Roland Garros, tous les parlementaires expérimentés ne cessent de dénoncer le surréalisme des séances de l’assemblée nationale.
Nombre de partis d’opposition pointent une représentation "En Marche" de « godillots » mais si, au bout du compte, ce type de comportement n’était que la résultante du fait que "En Marche" a mis en place un système original au sein de notre représentation nationale, un système qui pourrait être calqué sur celui de la franchise...
…transformant ipso facto les députés de ce parti en… franchisés de la politique !

En effet:

  • Parfaits inconnus, en mal de changement professionnel, voyant l’opportunité unique d’accéder à un lieu qui leur semblait jusqu’alors inaccessible, ils ont un jour posé leur candidature pour se voir « concéder un territoire » où « créer boutique »;
  • Leurs dossiers ont été méticuleusement « évalués » par une commission d’investiture (l’équivalent du comité de franchise) avant d’être choisis;
  • Cette étape étant passée, ils ont ensuite suivi une formation expresse afin d’optimiser les moyens mis à leur disposition, d'apprendre par cœur « les éléments de langage » du parti comme « changer durablement les pratiques politiques », « Engagement Européen », « réforme du droit du travail par ordonnance » ou « donnons au Président de la République les moyens d’agir »…l’idée à ce stade n’étant pas de promouvoir des opinions personnelles mais de diffuser et relayer celles de « la tête de réseau », élargissant par là-même sa franchise…de marque !
  • « Tête de réseau » qui, pendant ce temps, prospérait grâce à la propagande relayée par les grands médias et l’indigence des grands partis « concurrents » comme les LR ou le PS.

C’est ainsi que de parfaits inconnus, sûrement plus habitués à faire ce qu’on leur dit de faire qu’à faire prospérer le débat d’idées, se sont retrouvés élus, non pas sur leur savoir-faire, leurs convictions propres et leur réputation locale, mais sur une étiquette à la mode, balayant sans ménagement les responsables en place (les petits détaillants historiques qui s’étaient peut-être un peu endormis sur leurs lauriers…).
Restait alors aux  « Franchiseurs » à bétonner le comportement de leurs troupes, leur imposer des « garde-fous », bien s’assurer qu’ils suivaient la « stratégie d’Enseigne » définie par les têtes pensantes de "En Marche": pour cela, rien de tel qu’un « contrat de Franchise » (le règlement intérieur du Groupe EM à l’assemblée Nationale) en bonne et due forme (du genre complet et contraignant) c'est-à-dire:

  • Toutes les propositions du gouvernement, tu voteras;
  • À toutes les séances publiques, tu assisteras, de jour comme de nuit…;
  • Aux sanctions plutôt lourdes, tu t’exposeras (exclusions diverses et variées);
  • Devant un tribunal arbitral, tu comparaîtras en cas de manquement à tes engagements (composé d’un seul juge-arbitre à l’indépendance douteuse, j’ai nommé Monsieur Richard Ferrand…).

Après cela, comment s’étonner de la faible créativité et de la docilité des députés "En Marche" ? Ils ne sont pas là pour être créatifs, remettre ce qui « marche » ailleurs en cause mais pour mettre en œuvre le concept gagnant garanti par contrat. De plus, quelle relation de travail se trouve à être plus anti-démocratique, plus déséquilibrée et plus contraignante qu’un contrat de Franchise ?
Le problème, et non des moindres, est qu’en 5 ans, ces députés d’un nouveau genre peuvent contribuer à légitimer le changement profond que la tête de réseau, elle-même simple Master-Franchise pour la France de la véritable Maison Mère, à savoir l’Union Européenne, cherche depuis des années à imposer à la France: une intégration fédéraliste ad vitam æternam


Alain Longérinas
Délégué DLF de la 12ème circonscription des Yvelines