(Très) cher Emmanuel Macron
Tribune de C.P. - 15 mai 2018
Fin avril, Mediapart1 révélait les rabais dont Emmanuel Macron avait bénéficié durant la campagne électorale de 2017. Plus de 200 000 euros de dépenses sous-évaluées d'après la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).
La ristourne ayant fait le plus grand bruit est celle de GL Events, la plus grosse société de communication lyonnaise: 36% de réduction sur un meeting, du jamais vu ! Les soldes sont donc bien toute l'année, même en politique... Et pourtant, pour les mêmes meetings, Benoît Hamon et François Fillon n'ont pas eu les mêmes avantages. La société justifie cette ristourne comme étant une pratique commerciale habituelle.
De même dans l'entre-deux-tours, la société Jaulin a fait bénéficier la campagne Macron d'une remise de 50% sur les barrières du meeting de Paris. Certaines sociétés ont même parlé de prix attractifs "par un souci de fidélisation en vue de collaborations futures"2.
Des collaborations futures ? Avec le parti ou avec la Présidence ? Y aurait-il des pratiques de favoritisme à la tête de l'État ? Ces propos sèment le doute, surtout que le patron de GL Events, Olivier Ginon, est un proche de Gérard Collomb et d'Emmanuel Macron.
Ces révélations étonnent. Pourtant, cela ne devrait pas. Emmanuel Macron est le candidat de la finance, de la recherche de profits, de la saturation des dons, des pratiques managériales, etc. Rappelons-nous ces dîners organisés en présence de convives sélectionnés pour leurs comptes en banque, convives sélectionnés d'ailleurs grâce à des rabatteurs: bienvenue dans la start-up nation ! Pourtant, même dans cette campagne encadrée par ces braves managers, des irrégularités sont apparues: 24 cas de dons non conformes, car dépassant le plafond autorisé de don (4 600 euros pour l'association de financement et 7 500 euros pour le parti politique En Marche !).
Cela représente 87 600 euros d'irrégularités, pas assez pour la CNCCFP pour invalider les comptes, ni pour le Parquet de Paris qui a classé l'affaire sans suite au printemps. Il faut dire que dans 20 des 24 cas concernés, les dons étaient présentés "comme effectués par deux personnes distinctes" mais provenaient d'un seul compte personnel, comme les dons des couples par exemple. Emmanuel Macron n'a jamais voulu dévoiler le nom de ses donateurs, sans doute pour éviter la révélation d'une concentration des dons par quelques richissimes personnes.
Seulement voilà, la loi voit les choses autrement. Ainsi l'article L52-8 du code pénal est ainsi rédigé : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ». Ces meetings à des prix bradés ne sont-ils pas des biens et services à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ? Il semble bien que si. La campagne d'Emmanuel Macron serait donc dans l'illégalité ? À la justice de trancher !
Les partisans d'Emmanuel Macron, eux, vous répondront que les comptes ont de toute façon été validés par la Commission des comptes de campagne et qu'ils sont donc forcément nets et sans bavure, et que, surtout, Emmanuel Macron n'est pas le Président des riches. Seulement voilà, ces personnes omettent de vous préciser que la CNCCFP est seulement chargée de vérifier que chaque dépense correspond à sa facture et que cette dépense est relative à l'élection dont il est question, mais qu'elle ne peut aller plus loin. C'est ainsi que les comptes sont validés. Et à côté, la Commission ajoute des commentaires, comme ceux sur les dépenses sous-évaluées de la campagne du candidat En Marche !
Il est vrai qu'Emmanuel Macron manquait tellement de moyens que se sont retrouvées dans ses comptes de campagne des factures de chauffeurs de salle à 900 euros ou encore 17,8 kg de fraises Tagada pour accompagner des distributions de tracts à Toulouse. Comme quoi le Président infantilisait déjà les Français avant même de parler sans cesse de pédagogie des réformes, dont les Français ont très bien perçu le sens pour leur vie quotidienne.
Au moment où éclate cette affaire, voilà qu'une dépêche AFP sort pour faire de notre Président un chevalier blanc: Emmanuel Macron paye sa taxe d'habitation, et même les croquettes de son chien Némo, et aussi son dentifrice !
Quelques points de cette dépêche posent pourtant question:
- Emmanuel Macron n'a pu s'acquitter de la taxe d'habitation à l'Elysée. Étant arrivé en cours d'année au Palais de l'Élysée, il n'a pas à la payer pour 2017. Il est par ailleurs possible que le Palais en soit exempté vu son statut particulier.
- Emmanuel Macron essaie de prendre les habits du Général de Gaulle. Malheureusement pour lui, le Général de Gaulle payait également ses factures d'électricité, de gaz et autres dépenses personnelles. L'attitude d'Emmanuel Macron est donc loin d'être comparable et est surtout la norme pour chaque Président depuis Nicolas Sarkozy.
- Le budget dont dispose Brigitte Macron est aujourd'hui impossible à chiffrer puisqu'il fait partie du budget de la Présidence, ce qui pose problème pour une Première Dame qui, elle, n'est pas élue.
- Lorsqu'il se déplace à bord des avions Falcon et des hélicoptères de l'État, le couple Macron règle l'équivalent d'un vol commercial (200 à 300 euros), alors qu'une heure de Falcon coûte 5 à 6 000 euros3; Emmanuel Macron n'est donc pas si vertueux que ça.
- Le budget de l'Elysée pour 2018 a augmenté de 3%: aucune économie n'est donc mise en place au sommet de l'État, alors que François Hollande avait entrepris de fortes baisses. Pourtant, Emmanuel Macron pourrait lui aussi faire des économies au sein de la Présidence, par une réduction du train de vie du Palais et par une baisse de son indemnité par exemple. Nous avons donc bien à faire à un très cher Président de la République. Et pendant ce temps, les retraités, eux, doivent subir une hausse de la CSG de 20%.
Mais surtout, quel timing étrange pour cette dépêche Au moment où des doutes légitimes sont soulevés sur sa campagne, Emmanuel Macron montre patte blanche aux Français, comme si l'affaire devait être étouffée. Il faut dire que des problèmes de légalité sont posés par ces dépenses sous-évaluées et que la Justice doit maintenant passer.
Par ailleurs, les règles doivent être les mêmes pour tout le monde. Emmanuel Macron, qui a déjà bénéficié d'une couverture médiatique hors norme dans cette campagne et même depuis, aurait donc bénéficié d'avantages financiers également.
Il est temps que les règles changent et que la CNCCFP ait enfin plus de pouvoir pour sanctionner ce type d'agissements, ou à défaut les mettre plus en avant. Il faut aussi que ces affaires continuent à être médiatisées. Emmanuel Macron s'est imposé en chantre de la transparence. Mais il a déjà failli au moment de la loi sur la transparence à plusieurs reprises, notamment sur le casier judiciaire vierge. Surtout, la politique d'Emmanuel Macron, qui donne aux plus riches en s'attaquant au pouvoir d'achat des classes populaires et des classes moyennes, est maintenant expliquée. Il semble que les personnes qui arrivent à donner 19 600 euros pour une seule et même campagne sont aujourd'hui récompensées...
C.P.
Militant DLF de la 6ème circonscription des Yvelines
Références :
1- Article de Médiapart du 27 avril 2018:
Campagne de Macron: les cadeaux du «roi de l’événementiel» [↑]
2- Article du Monde du 5 mai 2018:
Dîners lucratifs, dons, rabais: les combines de la campagne Macron [↑]
3- Article du Parisien du 28 avril 2018:
Taxe d'habitation, transports... À l'Elysée, les Macron sortent le chéquier [↑]